De coeur et de Sang

De nobles conteurs, à l'esprit empli de légendes et de hauts-faits, parcourent souvent notre belle place ! Venez les écouter !

De coeur et de Sang

Messagepar Volna » Lun 13 Déc 2004, 15:50

Je m'assieds, empoigne ma plume et mon vélin et à nouveau je tente d'exprimer par des mots l'histoire qui est la mienne. Dehors, le pâle soleil d'hivers vient me prêter la force de ses timdes rayons. Je souffle la bougie à demie consumée qui, jusqu'avant l'aube, a permis à mes yeux de poursuivre leur tâche.

Aelerogh, comme tous les matins, s'est levé aux auraures pour s'engouffrer dans le froid et accomplir ses premières corvées: nétoyer les écuries, tirer de l'eau dans le Shannon et aller chercher du bois. Avant de sortir, il a contemplé le feu dans l'âtre que je me suis échiné à maintenir toute la nuit. Voyant les nombreux parchemins que j'y avais jeté, il sut que je n'avais pas dormi. "Ce n'est pas raisonnable" a-t-il simplement dit avant de quitter la chaumière.

Mon pauvre Aelerogh, toute ma vie je n'ai pas été raisonnable, ce n'est pas aujourd'hui, vieillard, que je vais me corriger. C'est cette vie que je tente par de vains efforts de confier au papier. Mais les cendres dans la cheminée attestent de la difficulté de l'entreprise. Il y a tant à dire que je ne sais par où commancer.

Lorsque je l'ai connu, il était célèbre et respecté mais j'ai assisté à son ascension et son avènement. Durant de longues et heureuses années, je l'ai servi. Et maintenant décrépit, je me dois encore de servir la mémoire de mon Seigneur et de mener à bien ce travail que je me suis confié.

Aelerogh entre, apportant avec lui une bouffée d'air froid chargée d'humidité et du parfum salé de la mer toute proche. Je frissone et resserre la couverture que j'ai jeté sur mes épaules durant la nuit. Il porte quelques bûches sous un bras et un seau d'eau de son autre main. A chaque instant, sa vigueur me rappelle le vieil homme sans force que je suis devenu.

Il range les bûches près de l'âtre et verse l'eau dans le baquet de la cuisine. Sans lui pour prendre soin de moi, je ne serais déjà plus qu'un squelette blanchi par le temps comme on en croise parfois au coin des bois. Seuls vestiges encore visibles en ce monde des infortunés n'ayant pas eu autant de chance que moi.

Il s'assied un moment pour me parler de la vie du village. Des habitats de Connla qu'il a croisé ce matin. De Malta qui ne va pas tarder à mettre bas, des espoirs qu'il fonde sur son poulin aux vues de son ascendance, de la fête du solstice qui ne va plus tarder à arriver et de son intention d'y inviter Sarff, la fille du vieux Tadhg le forgeron à danser.

Les préocupations simple d'un homme simple, droit et généreux. Je suspends mon travail et l'écoute avec plaisir. "Elle doit être bien extraordinaire cette Sarff pour que tu m'en parles tous les jours" glissè-je avec une note d'espièglerie. "Oh, oui" me répond il alors que ses yeux semblent fixer un horizon bien plus lointain que les murs de notre chaumine puis nous rions tous deux du rouge qui envahit ses joues lorsqu'il se rend compte que je n'ai rien perdu de son expression.

Il se lève, ajoute du bois dans le feu, s'approche de moi, jette un oeil à mon travail sans essayer de le lire. Sa main se pose sur mon épaule mais il ne dit rien. Il reste un moment les yeux dans le vague puis attrape son seau vide et me conseille de me reposer un peu avant de ressortir.

Aelerogh, je t'aime comme le fils que je n'ai jamais eu. Quand je te vois, je vois la vie qui aurait pu être la mienne si le sort n'en avait décidé autrement. Aurait-elle été meilleure ou pire, je ne le sais. Elle eut été moins triste ça j'en suis sûr, mais elle ne m'aurait pas permis de servir mon Seigneur, ce qui était, je le sais maintenant, ma destinée.

Je suis né ici même, à Connla, il y a bien des années de cela. Mon père n'était autre que le palefrenier du village, celui la même qui cèda son commerce au grand père d'Aelerogh. Ma mère était couturière. Même si elle ne jouissait pas de la renommée des artisants de la capitale, je me suis apperçu, au cours de mes voyages, que son travail était tout aussi soigné et la qualité de ses confections au moins égale, si ce n'est supérieure, à celle des produits qu'on peut trouver à Tir Na Nog.

J'ai passé les premières années de ma vie à jouer au pirate avec les autres enfants du village, dont le vieu Tadhg, sur la plage du bourg. Si notre existance était restée telle, j'aurais laissé ma place de palefrenier à mon fils après de nombreuses années d'exercice. J'aurais eu femme, enfants et commerce prospère. Mais il était dit que mon existance ne devait pas être ainsi.

Mon père était d'un tempérament aventureux. La routine quotidienne qui était la sienne lui pesait et il n'avait de cesse de convaincre son épouse de partir s'installer ailleurs, là où les hommes devaient conquérir leur place à force de labeur et d'obstination.

Ma mère était plus casanière. Et lorsque le soir, alors qu'ils me croyaient endormi, il l'abreuvait d'épiques récits de colons partis de rien et devenus seigneurs en de lointaines contrées encore sauvages, elle lui répétait que nous étions heureux ici et qu'elle préférait la coline qu'elle pocédait ici que la montagne qu'elle aurait pu pocéder ailleurs. Ils ne se disputaient pas, mais mon père était plus têtu qu'un vieil étalon. Et lorsqu'il en eut l'occasion, il mit son plan à éxécution.

Le vieu Gantri, le grand père d'Aelerogh, et lui étaient de grands amis. Bien qu'ils n'aient pas du tout le même age, leurs caractères enjoués et leur propention à la plaisanterie les avaient réunis depuis des années. Chacun taquinait l'autre sur leur diférence d'age. Leur jeu pouvait se résumer ainsi: le vieu était vieu et le jeune était jeune.

Leur plaisante rivalité tourna cependant au drame un soir lorsque, après la fête des moissons, tous deux pris de boisson, décidèrent de tirer au clair qui de l'expérience ou de la vigueur était la meilleur. Il sellèrent les deux plus rapides chevaux de mon père et se lancèrent dans une course aussi éperdue que stupide. Il faisait nuit, la monture de Gantri fit un écart brutal à la vue d'un animal. L'esprit embrumé par l'alcool, le vieu charpentier ne put tenir en selle.

Il chuta et se blessa grièvement. Il lui fallut des mois pour s'en remettre et même après sa convalescence, il resta très diminué physiquement. Il ne pouvait plus travailler et l'ainé de ses deux fils n'était pas encore en âge de prendre sa succession.

Mon père ne se le pardonna jamais. Son accablement était tel qu'il finit de convaincre ma mère et c'est elle qui lui proposa la solution. Il cédèrent leur affaire à Gantri pour le prix qu'il pouvait payer. Les écuries ne demandaient pas autant de force que la charpenterie et ses fils pourraient l'y aider malgré leur jeune âge.

Mon père quant à lui choisit de s'installer à Alainn Bin au plus profond des marais de Culem pour y monter une nouvelle affaire. C'est à cette généreuse décision que je dois l'existance que j'ai mené ainsi que d'être encore en vie aujourd'hui.

Lorsque je suis revenu à Connla après bien des années d'errance, décharné et mourrant de faim, Tadhg me reconnut malgré les ravages du temps. Ici les gens ne sont pas riches, il m'offrit ce qu'il put. Un repas et un coin au chaud dans sa forge. A cette époque, je n'attendais qu'une chose: que la mort vienne me chercher.

Ce jour là, j'ai haït Tadhg d'avoir ralenti son oeuvre et prolongé mon agonie. Mais je lui fut en même temps reconnaissant, probablement parce que tout ce qui est en vie tend à le rester de toutes ses forces, même si le désespoir s'y installe.

Je suis resté là jusqu'au soir, ne sahcant que faire ni où aller. Je m'apprêtais à quitter Tadhg et à reprendre mon voyage vers ma fin lorsque Aelerogh est entré. Il s'est planté devant moi, droit comme un i et m'a regardé dans les yeux.

- Tadhg m'a dit que vous étiez Ascatinius, le fils de Tolkar l'ancien palefrenier, est-ce vrai? me demanda-t-il sans détour.
- Il y a bien longtemps que je n'ai pas entendu le nom de mon père. Je suis Ascatinius c'est exacte, et toi qui es tu donc?
- Je suis Aelerogh, le petit fils de Gantri, c'est moi le palefrenier maintenant.
-Félicitations mon garçon, maintenant excuse moi mais je dois reprendre ma route.
-Et où allez vous donc?

Un vieillard marchant à la rencontre de la mort n'a pas besoin, et encore moins envie, de s'expliquer devant un gamin ou de lui raconter ses malheurs. En tout cas j'étais trop fier pour le faire.

-Je vais à Innins Carthaig où j'espère y rencontrer une vieille amie, répondis-je évasivement.
-Dans votre état vous ne rencontrerez que la mort, avait il rétorqué et je me souviens m'être dit que s'était exactement ce que je voulais.

Son effronterie m'agaça au plus haut point lorsqu'il me saisit par le braas et m'entraina hors de la forge.

-Vous allez vous reposer quelques jours chez moi avant de reprendre la route ou votre amie ne trouveras que vos os au détour d'un chemin pour discuter.

Il est une époque où je l'aurais tué pour son insolence. Vite et en silence comme je l'ai fait tant de fois. Mais je n'étais plus qu'un vieillard fatigué et je n'aurais même pas pu me remettre en marche sans son aide.

Je l'ai donc suivi sans résistance et sans un mot. Je me suis installé chez lui et n'eus pas le courage d'en repartir. Cela fait deux ans maintenant et je me surprends parfois à prier ma vieille compagne de me laisser plus de temps.

Je suis bien ici. Aelerogh est un bon petit. Ses parents sont morts il y a longtemps, nous vivons donc seuls tous les deux. Parfois, à l'aube, entre l'éveil et le sommeil, je me prends à croire que je n'ai jamais quitté Connla, que j'ai été palefrenier toute ma vie avant de laisser la place à Aelerogh, mon fils de sang et non seulement de coeur.

Mais une fois le soleil levé et les brumes des rêves dissipées, la réalité me revient à l'esprit. Dure et amère, elle me fait revoir les visages de mes victimes. Seigneurs ou vauriens, maléfiques ou innoncents, il me semble voir leurs regards posés sur moi et leurs mains avides de pouvoir me saisir dans la mort pour m'entrainer dans les profondeurs de souffrance où elles veulent me jeter.

Je suppose que c'est la perspective de ma propre fin, inéluctable et plus proche que jamais qui me fait m'interroger sur ce que je rencontrerai au delà.

Mais il m'est maintenant nécessaire de mettre un terme temporaire à mes ellucubrations de vieillard pour me reposer. La vigueur qui autrefois m'animait m'a quitté depuis fort longtemps, je prends donc congé et vous dis jusqu'au revoir.



A suivre.
Si j'avance, suis moi.
Si je meurs, venges moi.
Si je fuis, tues moi.

Ce dont il faut avoir peur, c'est de la peur elle-même.
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Messagepar Mériam » Lun 13 Déc 2004, 16:41

<Un infime odeur de canelle flotte dans l'air>

<Un chuchotement inaudible... quelques mots à l'oreille de Volna...>


C'est magnifique.... Toujours aussi magnifique.
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Messagepar Tower » Lun 13 Déc 2004, 19:22

(très jolie histoire ^^)
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Messagepar Aoessamini » Mar 14 Déc 2004, 1:05

Vivement la suite
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L'Espoir fait vivre.
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Messagepar Volna » Mar 04 Jan 2005, 0:56

Le soleil décline déjà à l'horizon. J'ai dormi toute la journée. Je ne me sens pas reposé pour autant mais je serais incapable de dormir plus. Aelerogh n'est pas encore rentré, peut être est il en train de s'occuper d'un client de dernière minute, de rempir une corvée ou tout simplement de discuter avec Sarff. Je le lui souhaite. Je l'ai enfin rencontrée, l'autre jour sur la place. Elle m'a salué vivement d'un air enjoué en me gratifiant d'un grand sourire.

Cette jeune firbolg m'a l'air pleine de vie. C'est elle qui a pris la place de tadhg à la forge. Elle a les épaules larges et les mains assez grandes pour me couvrir la tête d'une oreille à l'autre. On dit que l'amour rend aveugle, c'est peut être le cas mais elle me semble pleine d'une immense générosité et je suis convaincu, sans vraiment savoir pourquoi, qu'elle est capable de rendre un homme bien plus heureux que toutes les jouvencelles pomponnées de Tir Na Nog.

Je ravive le feu, jette ma couverture sur mes épaules, m'installe à la table et empoigne ma plume. Dehors, les bruits du village commencent à s'estomper, la nuit tombe et les gens rentrent chez eux. Cette bourgade est tranquille. Bien plus tranquille que ne l'était Alain Bin. Oh oui, bien plus tranquille, et bien plus sûre.

Nous quittâme Connla au début de l'été avec pour tout bagage une charrette contenant nos maigres possessions et quatres chevaux magnifiques. Je voyageais dans la cariole avec ma mère. L'un des chevaux la tirait et nous en trainions deux autres à l'attache. Mon père chevauchait le quatrième et partait en avant préparer nos haltes pour la nuits.

Nous dormîment la première fois à Ceannai, petit hameau de marchands à mi-chemin d'Innis Carthaig. Nous y reçûmes bon accueil même si les habitants n'avaient rien de plus à nous offrir qu'un gruau épais et un sommeil enroulés dans des couvertures sous notre charette. Cependant, la sécurité de leur présence sembla suffir amplement à mes parents.

Nous reprîmes la route le lendemain à l'aube et nous dûmes passer une nouvelle nuit à la belle étoile avant d'atteindre Innis Carthaig. Nous pûmes cependant jouir de la compagnie d'un vieil hermite qui nous offrit le couvert mais il se trouve que, devant la maigreur de son repas, nous lui offrîmes une bonne partie de nos provisions.

-Ce n'est pas grave, disait mon père devant ses tentatives de poli refus, nous pourrons nous approvisionner en ville dès demain.

Il nous fit découvrir ses talents culinaire dont je ne garde, je dois bien l'avouer, aucun souvenir. Ce dont je me souviens bien, c'est des histoires dont il nous gratifia. Elles portaient toutes sur des être étranges et maléfiques qu'il nommait les Siabras. A cette époque je ne savais pas de quoi il s'agissait mais je surpris bien des regards inquiets qu'échangeaient mes parents. Nous le quittâmes à l'aube et atteignîmes le bourg vers la mi-di.

Innis Carthaig était un modeste village à peine plus grand que Connla, niché au bord d'un lac. Nous y fîmes halte jusqu'au lendemain. Mon père regarnit nos réserves de nourriture pendant que ma mère et moi nous occupions de prendre une chambre à l'auberge. Mes yeux d'enfants avaient été frappés à cette époque par la garde municipale. Ici les hommes du guet étaient bien plus nombreux qu'à Connla. Malgré la taille réduite de la ville, ils étaient très biens équipés et ne comptaient que des vétérants dans leurs rangs. Leur vigilence de tous les instants ne faisait qu'inquièter davantage ma mère.

L'odeur nauséabonde du marais de Culem y était présente mais pas frappante. Comme un bruit de fond auquel il est aisé de ne pas prêter attention. Mais ce n'est que le lendemain que je ne pris vraiment la mesure de ce qui nous attendait. Partis depuis l'aube, nous nous engageâmes dans les marais que dans l'après midi. Il nous était assez aisé de trouver une route ferme au milieu de la fange mais les nombreux changement de direction qui nous assuraient de ne pas nous enliser étaient exténuants. Mon père ne battait plus la campagne devant nous. Il restait à côté de la charette, l'épée qu'il avait acheté a Innis Carthaig tirée du foureau et posée en travers de sa selle. Même lorsqu'il mettait pied à terre pour guider notre cheval par la bride il ne s'en départissait pas. L'arme en main, il laissait reposer la lame sur son épaule d'un air faussement désinvolte.

Nous atteignîme Alain Bin bien après la nuit tombée. Mes parents avaient cathégoriquement refusé de faire halte dans le marais. L'air était étouffant et la moite chaleur insuportable. Les moustiques et la vermine y étaient omniprésents et le calme inexistant. Les cri des créatures étranges peuplaient mes journées et le bruit des crapauds hantaient mes nuits. Les colons arrivés quelques années avant nous avaient l'air d'être deux fois plus agés qu'ils ne l'étaient réellement et étaient tous normes et apatiques comme s'ils avaient perdu tout gout à la vie.

J'étais le seul enfant du village et je m'ennuyais fortement. Non seulement je n'avais personne avec qui jouer mais en plus il m'était interdit de m'éloigner du hameau car le marais était extrèmement dangereux. Je passais donc mes journées avec mon père et devint très vite capable de le seconder efficacement.

Cependant les affaires n'étaient pas florissantes. Papa avait misé sur une rapide expension d'Alain Bin pour faire marcher son commerce, cependant les voyageurs étaient peu nombreux et ceux qui s'aventuraient dans le marais n'est revenait presque jamais. Les rares survivants revenaient en haillons, grièvement blessés et complètement fous. On les soignait sans prononcer un mot et s'ils ne mourraient pas de leur blessures, mon père les ramenait à Innis Carthaig. Malgré mes multiples questions, personne ne voulut m'expliquer ce qui leur était arrivé. Maman gardait un silence gèné et papa me donnait plus de corvées pour me faire taire.

Une année passa ainsi. Nous n'étions pas riches mais nous vivions, enfin nous survivions. A douze ans, j'étais capable de tenir les écuries quand mon père s'absentait et je n'en étais pas peu fier. La confiance qu'il m'accordait m'honorait bien plus que tous les compliments dont ils pouvait me gratifier. En son absence je mettais un point d'honneur a faire les choses exactement comme lui et allait même jusqu'à parodier son attitude et son langage.

C'est donc les deux mains sur les hanches et le sourire enjoleur que j'accueillis les deux elfes tout vêtus de violet qui virent me proposer d'acheter un étalon. Je ris bien fort en renversant la tête en arrière comme mon père avant de leur répondre que si je vendais le fond de commerce je n'avais plus qu'à fermer boutique. Ils échangèrent un regard étrange. L'un d'eux se retourna vers moi avec un rictus sur les lèvres. Ils passa un bras sur mon épaule et se débrouilla pour que je ne manque pas son autre main posée sur la poignée de sa dague. D'une voix faussement affable il m'expliqua que si je ne pouvais lui vendre de cheval, je pouvais probablement lui en louer un. Son ton était sans équivoque et sous entendait de façon à peine voilée que je m'exposerais à de gros problèmes si je refusais.

En l'espace d'une seconde je redevins le petit garçon que j'étais. La menace me fit naitre une boule au creux de la gorge et c'est avec empressement que je leur ammena la bête, proprement harnachée et sellée. Il évaluèrent mon travail d'un oeil appréciateur avant de s'en aller, menant le cheval par la bride, et riant très fort. Je n'étais pas en mesure d'expliquer pourquoi, mais je savais que je n'aurais pas du leur louer cet étalon.

Je me précipitai à la maison et racontai l'histoire à ma mère. Elle était assise au coin du feu et brodait. Echappant son ouvrage en entendant la description des elfs, elle s'enfouit le visage dans les mains.

- Qu'as tu fais mon garçon, répétait elle en sanglotant, qu'as tu fais là!

Je ne pus cependant pas tirer d'elle plus d'explications. Le coeur serré et la peur au ventre, je repris ma tâche en attendant le retour de mon père.

Il revint deux jours plus tard. Je me cachais au fond des écuries et le laissais étriller sa monture lui même. Il m'appellait et pestait de voir l'étable sans surveillance mais je n'osais me montrer. Une fois sa jument pansée, il rentra directement à la maison où ma mère l'attendait. Je ne suis revenu que le soir au diner la tête basse et les yeux vers le sol. Je redoutais la ceinture de mon père pour ce qui me semblait être une bêtise de grande importance.

J'ouvris la porte sans bruit. Mes parents étaient à table, trois assiètes étaient dressées et ils semblaient m'attendre. Sans un mot je m'avançais vers mon père et me tenais près de lui, le manton sur la poitrine, j'attendais ma correction. Mais il m'attira à lui et me serra dans ses bras.

- Assieds toi, fils, me dit-il en me relachant, et raconte moi exactement ce qui s'est passé.

Et je lui contais l'histoire, telle que je l'avais ressentie. Je ne fus pas bravache et n'ommis aucun détails, y compris la peur que j'avais ressenti.

- Tu as fait ce que tu devais faire, fils. C'est moi qui aurais dû être là.

Je ne compris pas et mon père ne m'expliqua que le minimum. A savoir que je n'étais pas en position de refuser. Il ne sessait de répéter qu'il aurait du être présent à ma place.

Quelques jours passèrent avant que les deux elfs ne ramenent le cheval. Cette fois, c'est papa qui les accueillis. L'étalon, qui était fort et vigoureux lorsque je l'avais loué, n'était plus qu'une ombre. Le regard totalement vide, il parvenait à peine à marcher. Mon père hurlait mais les deux autres ne faisaient que rire en lui exigeant un autre étalon puisque celui-ci n'était pas assez solide. Cela ne faisait que l'enrager davantage. Il finit par perdre patience et les chassa du village à grand coups d'épée dans le vide. Les deux elfs partirent en montrant le poing. Nul dans le village n'avait prêté attention à cet échange. Des l'arrivée des elfs, tous avaient soudain trouvé une corvée urgente à faire et s'étaient éclipsés.

- Maudits Siabras! cracha mon père en revenant à l'écurie.

Ce n'est qu'alors que je compris le boulversement de ma mère et la résolution de mon père. Depuis ce jour là nous vécûmes dans la peur. Papa ne lâchait jamais son épée. Maman ne sortait jamais de la maison sans lui. Et il m'était interdit de sortir du champ de vision de mes parents. Plusieurs mois s'écoulèrent ainsi, nous avions tous les nerfs à fleur de peau et tous les autres habitants du bourg nous évitaient comme la peste. Il ne semblait plus pouvoir nous arriver quoique ce soit quand tout bascula.

C'était une nuit d'hivers. Le froid rendait le marais presque supportable l'hivers. Nous avions barricadé la maison pour préserver la chaleur et dormions tous à poings fermés. Je fus réveillé par un grand fracas: la porte qui volait en éclats. Lorsque j'ouvris les yeux pour voir d'où venait ce tumulte on me fourra la tête dans un sac et on me roua de coups. Le reste de mes souvenir de cette nuit là sont très confus. Des bruits entendus et des sensations ressenties dans un état de demi conscience dans lequel la bastonnade m'avait laissé.

Je sais que mon père s'est défendu car j'ai entendu des chocs métalliques. Probablement son épée. Je sais qu'il a été blessé et qu'il était dans l'incapacité de se battre car j'entendais ses cris de rage lorsqu'on violentait ma mère. Maman a soufert longtemps. Ce n'est que bien plus tard que je compris qu'on lui avait fait subir les pires affronts que l'on peut infliger à une femme. Papa éructait et maudissait à tour de bras car c'est tout ce qu'il lui était possible de faire. Ensuite on les a tué. Sans un mot, sans une insulte, comme s'il ne s'était agit que d'insectes qu'on écrase distraitement d'un revers de main. On m'a jeté en travers d'un cheval et on m'a conduit loin.

J'étais pieds et poings liés, la tête toujours dans un sac. Je sais que nos agresseurs ont emmené tous les chevaux de mon père car je les entendais galloper. Nous avons chevauché longtemps et ce n'est qu'au petit matin qu'on me rendit la vue. J'étais dans un petit village au coeur du marais.

Il me fallut une semaine pour me remettre du traitement que j'avais subit. Et je crois bien ne jamais m'être remis du traitement que mes parents ont subit. Une fois sur pied on me batti à nouveau. Mais moins rudement. On me faisait mal, mais on ne cherchait surtout pas à me blesser pour que je puisse travailler. Je n'avais pas le droit de parler ni de regarder un siabra dans les yeux. Je vaquais à mes occupations le nez baissé. Je m'écartais pour laisser passer les siabras et si je n'étais pas assez prompt à démontrer ma soumission on me battait encore.

Je compris vite qu'il me valait mieux ne jamais être vu inactif et ne jamais donner le moindre prétexte à mes geoliers de se montrer cruels avec moi car ils y prenaient du plaisir. On m'avais gardé en vie dans un seul et unique but. Prendre soin des chevaux. De telles montures étaient totalement inutiles dans le marais mais les siabras n'en avaient cure puisqu'ils leur destinaient une toute autre utilité.

En effet, il vivaient en compagnie d'animaux étranges qu'ils nommaient des cronicornes, sorte de chevaux cornus noirs comme la nuit. Ces bêtes étaient à la mesure de leur maîtres: maléfiques. Je m'entourais toujours des plus grandes précautions lorsque je devais en approcher une car elle prenaient un malin plaisir à mordre, donner des coups de corne ou de sabot à la moindre occasion.

Les cronicornes ne pouvaient pas se reproduir. Je m'en suis apperçu dès qu'on fit saillir une femelle par un des étalons de mon père. La cronicorne se montra d'une violence inoui pendant tout l'acte et encore plus après, au point qu'elle tua le cheval. Les juments menées au mâles cronicornes subissaient un traitement similaire, hormis qu'ils ne les tuaient pas. Cependant elles mourraient invariablement en mettant bas. L'accouplement de deux cronicornes finissaient par la mort des deux animaux tant ceux-ci étaient violents.

Je vécu ainsi pendant deux ans. Je ne sais encore pas aujourd'hui comment j'ai pu rester en vie. Je n'aurais jamais eu ni la force ni le courage de me retourner contre mes tortionaires. Je n'aurais pas pu m'enfuir puisque je ne savais pas où j'étais et ce sans considèrer la très faible chance que j'avais de survivre dans le marais. Je ne comprends pas pourquoi je n'ai pas mis fin à mes jours. Ce n'était peut être tout simplement pas ma destinée.

Mon destin. Je le vis apparaitre un soir sous la forme d'une elfe, tout de noir vêtue, hormis ses manches et ses gants d'un jaune sombre. Elle était inconsciente et avait le visage en sang. Deux siabras la portait par les bras. On la jetta dans une cabane où on la ficela solidement avant de m'ordonner panser ses blessures.

- Aide moi! me dit elle en reprenant conscience.

Je n'eus même pas le courage de lui répondre, je m'enfuis rapidement avant qu'on nous surprenne à discuter. Tous les soir on l'interrogeait et tout les matins je la soignais, sans jamais lui parler. Parfois, lorsque les ténèbres m'apportent leurs cortège de cauchemards, j'entends encore ses cris qui me déchirent l'âme. Je ne sais si c'est parcequ'ils ressemblaient à ceux de ma mère ou si c'est à cause de mon manque de bravoure. Toutes les nuits, ses hurlements et les rires de ses tortionnaires emplissaient le camps. Chaque soir, je pleurais en mordant ma couverture pour ne pas faire de bruit.

Une fois de plus, ma destinée s'est rappelée à moi. Ma mère m'apparut en rêve, elle avait le regard triste et les traits tirés. Je courrais vers elle en l'appelant mais je ne pouvais l'atteindre. Tout ce qu'elle me dit fut: aide la. Je me reveillai en sursaut plusieurs heures avant l'aube, envahit d'une nouvelle résolution que je ne m'étais jamais connue. Décidé à libérer l'elfe, à tout prix, même s'il me fallait tuer ou mourrir pour cela.

Les siabras s'étaient habitués à ma présence et ne prenaient presque plus de précautions avec moi. Il me fut très facile de voler une dague dans une hute. Je me faufilai jusqu'à la prison de l'elfe et entrai discrètement. Deux de ces démons étaient à pied d'oeuvre. Ma mémoire a oublié ce que je vis ce soir là. Et j'en suis heureux. Je me souviens avoir été choqué et horrifié par ce qu'elle subissait mais c'est tout.

J'étais dans un état second. Ivre de rage je me jettai sur le plus proche et lui enfonçais ma dague dans les cotes. Il s'écroula et, m'agenouillant sur lui, je continuai à le frapper jusqu'à ce que son visage ne soit plus qu'une tache de sang. Le second m'envoya bouler d'un grand coup de pied à la tête. Sonné, je le vit s'approcher de moi sans être capable de bouger. J'étais sûr de mourrir mais une fois de plus, le destin en avait décidé autrement.

J'entendis un sifflement aigü et une fleche traversa une fenêtre et vint se ficher dans la poitrine du siabra, bientôt suivie d'une seconde. L'elfe tirait frénétiquement sur ses liens pendant que je tentais de reprendre mes esprits. La porte s'ouvrit à la volée. Un celte moustachu entra, il tenait toujours son arc à la main.

- Blathnaid! s'écria-t-il en libèrant l'elfe, tu peux marcher?

- Je peux marcher, répondit elle simplement.

- Alors partons pendant qu'il est temps.

Le celte la saisit par le bras et commença à la tirer vers l'extérieur. Elle se libèra de son étreinte d'un geste fluide, se pencha et ramassa les armes des siabras.

- Nous allons partir Amargein, mais avant j'ai une tâche à remplir.

Et elle se volatilisa. Je n'en croyais pas mes yeux. En une seconde elle avait disparut. Le celte ne sembla pas s'en émouvoir.

- Non, Blath! Il faut partir, nous ne devons pas rester là!

- Tu sais et ils sauront bientôt que la fureur d'une Ombre n'attend pas, la voix de Blathnaid venait de nul part.

La porte tressaillit légèrement et il n'y eu plus aucun bruit dans la hute.

- Ah les femmes! jura Amargein.

Il me saisit par le bras et me releva comme si je ne pesais rien. Il m'attira au dehors. Ses vêtements et sa cape bleu nuit se fondaient dans l'obscurité, s'il ne m'avais pas tenu fermement je n'aurais même pas pu le suivre. Il nous emmena juste à l'extérieur du camp pendant que la voix de l'elfe s'élevait dans la nuit et emplissait le village d'une malédiction jetée dans une langue que je ne connaissais pas.

Mes souvenirs à partir de là sont encore très confus. Amargein m'a laché et m'a ordonné de ne pas bouger. Je suis tombé à ses pieds et j'ai contemplé la scene qui s'est offerte à moi sans vraiment la comprendre. Blathnaid était réaparru au milieu du camp et elle combattait. Non pas comme un guerrier mais comme une démone. Elle usait d'une sauvagerie telle que je n'aurais jamais cru possible. Amargein, lui, debout à côté de moi décochait flèche sur flèche au point que son arc semblait chanter. Je ne sais pas combien de temps cela a duré. Mais lorsque le celte me saisit à nouveau par le bras pour partir, le village n'était plus qu'un brasier sans nom au milieu duquel gisaient les corps de ceux qui avaient été mes tortionnaires. Nous nous sommes enfuit dans la pénombre alors que les cors d'alarme retentissaient dans les villages voisins.

C'est cette nuit là que mon destin fut scellé. Je venais de rencontrer celui qui allaient devenir mon maître et qui allait m'enseigner tout ce que je sais. Je venais de délivrer celle qui allait être mon mentor et qui guiderait mes pas vers mon Seigneur. Toute mon existence c'est joué cette nuit là. Quand aujourd'hui, je vois ce qu'aurait pu être ma vie, ici à Connla, je ne parviens pas à décider si je dois les aimer ou les hair pour celà même si les remorts d'un vieil homme n'ont désormais plus bien grande importance.


A suivre.
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Messagepar Aoessamini » Mar 04 Jan 2005, 16:35

A quand le suite? :D
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Messagepar drsez » Mar 04 Jan 2005, 18:43

magnifique j en veu encore :)
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Messagepar Zardak » Dim 09 Jan 2005, 14:43

je viens de lire toutes les histoires de volna d'une seule traite et je n'aurais q'un seul mot a dire : c'est tout simplement magnifique !!!!!!!!!!
bravo a toi volna pour toute ton immagination et vivement le suite :D
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Messagepar Volna » Dim 16 Jan 2005, 23:59

Enfin l'occasion m'est à nouveau donnée de reprendre la plume et le vélin. L'hivers est déjà bien avancé et les jours rallongent maintenant de façon significative. La fête du solstice est passée depuis longtemps et Aelerogh file désormais une parfaite romance avec Sarff. Je pense qu'ils vont finir par se marier, en tout cas je le souhaite de tout mon coeur.

Je ne m'étais pas trompé sur le compte de la fille du vieux Tadhg, elle est surprenante, tant par sa bonté que par sa joie de vivre. Elle a appris par Aelerogh que je possède des talents d'empenneur et m'a passé une importante commande de flèches de tous types. Je me suis donc fait une joie de saisir l'occasion d'apporter une source de revenus supplémentaire pour Aelerogh.

Désormais, il n'est plus rare de voir des aventuriers de passage d'adresser à moi pour la confection d'arcs ou de batons. Je soupçonne Sarff de vanter mes talents à tous ceux qui croisent son chemin. Cela me prend beaucoup de temps et c'est heureux. Je songe moins au passé ainsi.

Ma captivité parmis les Siabras et ma libération sanglante m'avaient laissé prostré et anéanti. Je passais plusieurs jours sans adresser un mot à mes compagnons et sans même les laisser m'approcher. Amargein et Blathnaid furent extrèmement patients. Nous nous déplacions beaucoup au début, sans doute pour échapper à d'éventuelles poursuites. A moitié fou, je tentai de m'enfuir à plusieurs reprises. Il me ratrappèrent à chaque fois avec une déconcertante facilité.

Lorsqui'ils m'attrapaient par le bras pour m'empecher d'aller plus loin, je hurlais en battant des mains en tous sens puis m'accroupissais, ramenais mes genoux sous mon menton et restais immobile pendant des heures.

Si cette attitude les exaspérait, jamais ils ne le montrèrent. Jamais ils ne furent violents envers moi ni tentèrent de me faire reprendre la route de force. Ils se contentaient de rester près de moi et d'attendre la fin de ma crise en parlant entre eux.

Je me souviens que Blathnaid avait expliqué être dans le marai sur ordre de la Reine Brigit pour y chercher un hermite. Amargein lui avait répondu qu'elle avait été abusée par une certaine Paiton Hazlett qui l'avait envoyée au loin pour prendre sa place à Tir Na Nog.

Bien plus tard, on m'expliqua que durant l'absence de la Maitresse Ombre, un sombre épisode de l'histoire s'était déroulé à la capitale. Un complot orchestré par Paiton Hazlett l'albionaise qui avait faillit couter très cher au royaume.

Nous finîmes tant bien que mal par atteindre Innis Carthaig où on me confia aux soins du guerrisseur du village. J'y passais trois semaines sous l'influence des drogues et des remèdes. Je retrouvai l'usage de la parole et contais mon histoire à mes sauveurs qui se relayaient à mon chevet.

- Que vais-je devenir maintenant? demandais-je un jour à Blathnaid.

Elle avait réfléchi longuement avant de se tourner vers Amargein. Celui-ci avait baissé les yeux et répondu.

- Je suppose que je ne peux plus regagner ma retraite?

- J'en ai bien peur mon ami, avait-elle rétorqué, puis se tournant vers moi elle avait ajouté, Ascatinius, la courone, et moi particulièrement, avons une dette envers toi, tout comme tu as une dette envers le royaume. Désormais tu seras l'apprenti d'Amargein et tu serviras la Reine.

- Quels sont nos ordres, Ma Dame? s'enquit Amargein sur un ton très formaliste.

- Amar, dès aujourd'hui tu redeviens l'éxécuteur des hautes oeuvres. Ta retraite n'est plus à l'ordre du jour. Tu formeras Ascatinius qui peut-être un jour, si la Bonne Fortune lui prête la force, prendra ta place. Vos ordres sont de harceler les Siabras et de leur faire sentir la morsure de notre vengence. Ces démons gagnent en force, vous devez contrecarer leur gain de puissance jusqu'à ce qu'ils ne redeviennent plus que les insignifiantes vermines qu'ils devraient être.

Il ne me vint pas à l'esprit de refuser. Sans que j'ai mon mot à dire, ma vie était scellée. Bien plus tard je compris l'importance de Blathnaid dans la vie du royaume. Véritable éminence grise, elle dirigeait dans l'ombre, bon nombre d'espions et de soldats de la nuit comme mon maître et moi.

Les quatre ans qui suivirent furent les plus sombres de ma vie. Grace aux conseils d'Amargein, je devins un très bon archer et un assassin redoutable, capable de tuer vite et en silence de loin comme de près. Je laissais libre cour à ma haine et rendis au centuple le mal que l'on m'avait fait.

Nous nous introduisions la nuit dans les villages. Nous glissant d'ombre en ombre, nous restions invisibles jusqu'à ce que nous frappions. Nous tuions toute la population et incendions les bâtiments avant de nous enfuir aussi discrètement que nous étions arrivés.

Nous allions de massacres en carnages et de carnages en turies. Nous étions sans pitié. Pas de prisonnier, pas de survivant, tel était notre mot d'ordre. Le Fléau Siabras, c'est ainsi qu'on ne tarda pas à nous appeler. Je faisais preuve d'une sauvagerie et d'une cruauté sans borne et je crois que je faisais peur à mon maître pour cela.

Je pense que c'est pour cette raison qu'il m'emmenait assez souvent dans les collines de Sheeroes. Je me souviens que c'était un endroit agréable. Une succession de longs défilés. Ils n'étaient habités à l'époque que par une sorte de secte qui se faisait appeler l'Ordre de L'Azur. Ils ne comptaient dans leurs rangs que des firbolgs, tous d'une stature impressionnante. Ces géants portaient tous la même robe brune et maniaient épées et marteaux qui, une fois posés au sol, étaient aussi hauts que moi.

Je me souviens que mon maître m'avait expliqué qu'ils étaient de farouches guerriers qu'il ne fallait surtout pas provoquer. Lorsque je lui ai demandé pourquoi ils s'étaient installés ici il me répondit qu'ils gardaient quelquechose de dangereux, d'ancien et d'oublié. Si bien oublié qu'il ne s'en souvenait plus lui-même.

Nous échangions avec eux quelques objets de menuiserie que nous fabriquions à temps perdu. Ils nous réservaient toujours un accueil froid mais toute fois courtois. Cependant, lors de notre dernière visite, Coséal l'Azuréen nous gratifia d'un long discour que nous ne comprîmes pas bien où il était question de trahison et du reveil de l'endormi. Puis, sans autre explication, on nous raccompagna hors du village, poliment mais fermement. Nous ne préfèrâmes pas y retourner.

De toute façon nous n'en aurions pas eu l'occasion. Blathnaid nous appela à Tir Na Nog au plus grand soulagement de mon maître. Il avait compris, tout comme moi bien plus tard, que si j'étais resté dans le marai, je serai devenu, avec le temps, bien pire que ces Siabras que je haissais tant.

Nous nous en fûmes donc vers la capitale où Blathnaid allait me prendre sous son aile et où j'allais rencontrer mon Seigneur.

Aelerogh et Sarff ne vont plus tarder à rentrer. Je laisse donc ici mon ouvrage pour le reprendre plus tard.




A suivre.
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Messagepar Aoessamini » Lun 17 Jan 2005, 15:10

Je vais trop vite à lire,
Euh.......... la suite est prête ou presque m'asoufflé mon petit doigt
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Messagepar Tower » Jeu 20 Jan 2005, 15:29

(agréable lecture, merci)
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Messagepar Volna » Lun 24 Jan 2005, 16:22

Il m'étonnerait grandement que tout ceci ne finisse pas par un mariage. Sarff est restée jusque tard dans la nuit et je sais que si elle n'habite pas encore ici c'est uniquement par respect envers son père et moi. Je doute que mes deux jeunes amis parviennent à vivre ainsi encore très longtemps.

Ils me font penser à Amargein et Blathnaid qui eux, par contre, mettaient un point d'honneur à dissimuler leurs relations. Je ne me suis apperçu qu'ils étaient amants que lorsque nous sommes allés à Tir Na Nog et que j'ai pu les voir ensemble plus longuement.

Mon maitre était resté silencieux pendant tout le trajet. Je sus après qu'il avait horreur des grandes cités comme la capitale même si pour ma part, mettre le pied pour la première fois dans Tir na Nog La Belle fut un choc sans précédant. La cité portait bien son nom. L'architecture y était d'une beauté rafinée et délicate et le coin de chaque rue recellait autant de magnificence que la précédente. Il me fallut bien trois jours pour m'habituer à cette beauté.

Mon maitre nous conduisit à une auberge où nous prîmes une chambre et un long bain pour nous débarrasser des dernières traces du marais. Nous laissames nos armures dans nos quartiers pour revêtir d'élégants vêtements qu'Amargein avait acheté à un marchand lorsque nous avions fait halte à Ardee.

Et c'est ainsi engoncés dans nos tenues de cérémonie que nous nous présentâmes au palai après avoir patiemment attendu que la Reine nous conoque. Blathnaid qui nous avait rendu visite tous les jours pendant notre attente, nous y accueillit en nous expliquant que la Reine allait nous recevoir mais qu'avant je devais m'entretenir avec une certaine Mavelle qui était maitresse Ranger à l'académie de Tir Na Nog.

En présence de Blathnaid et d'Amargein, elle me fit passer une série de tests de tir à l'arc, de combat au corps à corps, de dissimulation et d'utilisation de sorts d'amélioration. Je trouvais ces épreuves assez simples en comparaison de l'entrainement de mon maitre. Elle finit par rendre son verdict.

- Quarante cinquième cercle, pas moins, dit-elle en regardant Blathnaid, c'est beaucoup pour son âge.

- Si on te pose la question, tu viens d'acquérir ton trente neuvième cercle Ascatinius, me dit Blathnaid.

Je ne comprenais rien à ce qu'elle voulait me dire mais j'avais appris l'obéissance et je présumais qu'elle avait ses raisons. Elle nous conduisit ensuite jusqu'au bureau de la Reine Brigit qui nous attendait en compagnie d'un petit Lurikeen du nom de Lobais et d'un gigantesque Firbolg nommé Kashar Mac Nölm.

La Reine, assise derrière une grande table, se leva et vint chaleureusement saluer mon maitre. Mac Nölm, debout derrière elle nous adressa un signe de tête. Lobais, dont les yeux dépassaient à peine le plateau de la table, s'empressa de la contourner pour serrer la main d'Amargein, puis se tourna vers moi et d'un air jovial m'offrit une friandise.

Je ne m'attendais pas à un tel présent et, décontenacé, je le remerciai maladroitement.

- Je t'en prie, mon enfant, me répondit-il, je t'en prie. Comment vas tu?

- Euh ... bien, merci, répondis je, ma surprise allant en grandissant.

- Mange, mange!

Je mangeai donc pendant que mon maitre prenait la parole.

- Ma Reine, je présume que nous ne nous avez pas fait faire tout ce chemin depuis Culem pour vous enquérir de la santé de mon élève et pour lui offrir des douceurs.

- C'est exact, répondit Brigit, mais essayez vous, ce que nous fîmes. En premier lieu, je tiens à vous féliciter pour le travail que vous avez accompli dans le marais, Blathnaid me dit que les Siabras souffrent d'une grande désorganisation dernièrement, et ce gràce à vous si je ne m'abuse.

- Ordre nous a été donné de massacrer, nous avons massacré, répondit sèchement mon maitre.

Un silence gèné tomba dans la pièce. Amargein refusait que je sois félicité pour avoir tué des villageois et rasé leur camps. Mac Nölm prit enfin la parole et s'adressa à moi.

- De quel cercle es-tu mon garçon?

J'avalai rapidement le reste de ma friandise et m'étranglai à demi. Brigit cacha un petit sourire derrière sa main tandis que Lobais riait ouvertement. Le visage de Mac Nölm resta de marbre.

- Trente neuvième cercle, répondis-je d'une voix rendue rauque par la quinte de toux que je venais de maitriser.

- Quarante cinquième, renchèrit Blathnaid, je lui ai dit de répondre trente neuvième à une telle question.

- Hum, il est bien formé, dit Mac Nölm comme s'il pensait tout haut.

- Bien, reprit la Reine, Amargein, nous allons envoyer votre apprenti au val de Topaze.

- Je vous remercie de vous soucier de la formation de mon élève, Ma Dame, mais je présume qu'il n'y a pas que celà.

- Effectivement, mais tout d'abord, Ascatinius, sais tu ce que sont les Vaux?

Toujours incapable de parler, je répondis non de la tête.

- C'est une vieille tradition qui date d'avant la guerre. A l'époque, nous envoyions les apprentis guerriers dans des zones de combat créées par magie où ils pouvaient apprendre les rudiments de la guerre en toute sécurité puisqu'il y est interdit d'utiliser de véritables armes. Les royaumes de Midgar et d'Albion y envoient également des combattants. On y trouve un fort qu'un des royaumes possède et défend tandis que les deux autres tentent de le prendre. Cette tradition a été maintenue malgré la guerre.

- Je comprends, répondis-je simplement.

- Mais? poursuivit mon maitre.

- Mais cette année nous avons affaire à une situation délicate, reprit Brigit. Il me semble que vous êtes au courrant du complot qui a faillit couter la vie au Générale Mac Nölm et au seingeur Lobais il y a quelques années? Mon maitre fit un signe de tête. Cette sombre affaire vous a conduit à rechercher Dame Blathnaid dans les marais de Culem. Amargein opina du chef à nouveau. Et bien ce complot a été déjoué par une bande d'étudiants de l'académie de Tir Na Nog.

- J'ignorais ce détail, commenta Amargein.

- Leur promotion, cette année, a atteint le trente cinquième cercle et leur tour est venu d'aller à Topaze et nous craignons une vengeance de la part des albionnais.

- Un assassinat?

- Oui.

Le silence tomba à nouveau tandis que mon maitre se lissait la moustache, pensif.

- Nous voulons qu'Ascatinius suive ce groupe et qu'il le défende.

- Hors de question, trancha Amargein, sa formation est incomplète, vous avez de nombreux agents qui peuvent mieux remplir cette tâche que lui. J'irai moi même s'il le faut.

- La magie qui entoure le val ne vous laisserait pas y pénétrer. Il est le seul à être assez jeune pour y entrer. Il aura de vrais armes avec lui et sera en mesure de se défendre s'il le faut.

- Pourquoi ne pas donner de vrais armes à votre groupe?

- Ils ne sont pas au courrant et si un groupe d'étudiants ouvertements ratachés à Tir Na Nog en utilisait, l'incident remettrait en cause l'existance des Vaux, nous ne pouvons nous le permettre.

- Mais vous pouvez vous permettre de perdre un assassin surpris en possession de tels objets.

Amargein se leva et commença a parcourir la pièce.

- Il combat les Siabras depuis quatre ans, il est un guerrier largement supérieur à tous nos élèves du même age.

- Asc, sors s'il te plait.

Toujours prompt à l'obéir, je me levai et sortis sans poser de question. J'attendai dans le couloir tandis que de nombreux éclats de voix me parvenaient à travers la porte. Mon maitre refusait de me laisser y aller seul. Il redoutait que je ne prenne gout au meurtre.

Blathnaid sortit bientot.

- Viens avec moi, la Reine à encore des choses à dire à Amargein.

Elle me conduisit à l'auberge où elle m'ordonna de rassembler mes affaires. Je ne lui obéissais que parce que je savais que mon maitre avait une entière confiance en elle. Je n'aurais suivi personne d'autre sans son autorisation. De retour au plais, je croisai Amargein le visage empourpré.

- Obéis à Blath comme si c'était moi, m'ordonna-t-il, la Reine m'envoit dans les colines de Sheeroes pour enquêter sur le trouble des Azuréens. En attendant tu logeras à l'académie.

Il m'étreingit avant de s'en aller vers l'auberge sans un regard pour Blathnaid. Je ne devais plus jamais le revoir. Cette mission fut sa dernière. Si j'en avais eu conscience, j'aurais probablement insisté pour l'accompagner et Blathnaid ne l'aurait pas laissé partir. Mais une fois de plus je ne fais que ressasser mes regrets.

Blathnaid m'emmena à l'académie où je rencontrai mon Seingeur pour la première fois. Je suppose que le destin en a voulu ainsi et ce n'est pas mes remords de vieillard qui y changeront quoique ce soit désormais. Le passé est le passé, je ne puis que souhaiter un avenir plus heureux aux deux jeunes tourtereaux qui viennent de rentrer.




A suivre.
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Messagepar Cytherea » Lun 24 Jan 2005, 17:00

( excellent. En plus la petite transition avec l'histoire de l'académie. J'ai hate :) )
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Messagepar Aoessamini » Lun 24 Jan 2005, 21:00

Tu prends ta plume quand Vovo? :wink:
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Messagepar Phaey » Mar 25 Jan 2005, 10:26

Merci douce Conteuse pour ton récit <sourit gentiment à Volna>.

Arduinna ne m'a point appris l'impatience... mais je ressens quelque fourmillement qui y ressemble fortement toutefois, dans mon attente de la suite :)


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