Tir Na Nog la grande, la brillante, une cité de lumière, de richesses, de beautés affichées. Des courbes élégantes, des couleurs, les échos d’une ville grouillante de vie et pourtant…
Personne ne voit, ou personne ne veux voir ce que l’on appelle la cité souterraine, une ville sous la ville ??? Oui, mais aussi une ville dans la ville. Tant de gens ne font que passer à Tir Na Nog qui ne lui connaissent qu’un visage, celui qu’elle veux bien montrer. Et pourtant …
Il existe une autre Tir Na Nog, une ville sans pitié où règne la loi du plus fort. Une ville où la pauvreté côtoie la fortune où la faim regarde l’abondance. Cette ville est là , sous nos yeux, mais on ne la voit pas. Enfant de misère, elle abrite les laissés pour compte, ceux qui n’ont rien, mais aussi ceux qui vivent dans l’ombre. Les voleurs, les bandits, les assassins, les espions. Tout ces gens masqués, dignes ou indignes mais bien présents. Et ceux qui se battent chaque jour pour rendre leur vie un peu meilleure, ceux qui travaillent pour un repas, qui vivent dans des taudis sous la cité dans les vastes cavernes. Ceux là , personnes ne les connaît et pourtant, ils sont là . Ils regardent le monde avec leur yeux et ils ne le comprennent pas. Ils regardent passer les puissants, ceux des maisons que nous appelons guildes. Ils regardent les artisans utiliser des matériaux si coûteux qu’avec ils pourraient nourrir leurs familles des semaines durant. Enfants du silence… Qui ose parler d’eux, qui ose ne serait-ce que les évoquer ??? Où s’arrête le regard de celui qui ne veut pas voir…
Zak est un enfant d’en dessous. Orphelin sans passé, homme sans futur, une feuille au cœur du maelström. Il ne connaît que ce que porte sa mémoire, il ne possède rien d’autre que ce que ses bras peuvent porter. Et pourtant…
Les rires joyeux de ceux d’en haut n’ont jamais marqué son visage, il est trop grave, trop gris, trop seul. Il ne remonte qu’a la nuit tombée et il erre. Il longe les murs froids de la ville en quête de sa survie, il cherche. Il cherche comment sortir, comment changer son étoile. Un autre chemin, une autre vie, un autre regard sur lui même. Mais comment faire lorsque l’on a rien, les monstres sont partout, l’extérieur est dangereux… Mais dedans c’est la mort. Alors ce soir, il est prêt… Et pourtant…
Que se passera t’il une fois dehors, et où aller ??? Le ville, il la connaît mais au delà des lourdes portes bardées de métal qui a t’il ??? Et si il demandait de l’aide, oui il y a sûrement de braves gens chez ceux d’en haut. On le chasserait c’est sûr, on le battrait même sans doute. Que faire alors. Attendre demain… Un jour de plus pour être sûr. Oui pourquoi pas, un jour de plus ou de moins, quelle différence. Oui, quelle différence, alors pourquoi attendre demain… De toute façon, il était prêt, son sac sur l’épaule, un sac presque vide, plus un symbole qu’autre chose. Oui, ce soir c’était le bon soir.
Zak regarde autour de lui et il aperçoit une femme blonde qui avance d’un pas sûr. Elle porte une belle armure de couleur rouge, ses cheveux sont d’or. Son parfum est délicat. Elle a une cape bleu et blanche, il en avait déjà vu de pareil. Il ferme les yeux et lui emboîte le pas. Il se laisse guider par son ange, celle qui allait sans le savoir le mener vers autre chose.
Il sent sur son visage le vent froid de la nuit et il ouvre les yeux. Il y a de l’herbe au dehors et la vue porte loin. Il se sent libre. Il regarde de droite et de gauche à mi chemin entre l’émerveillement et l’angoisse. Ils croisent un guerrier géant armé d’une grande lance. Son visage est sévère. Il porte lui aussi une cape bleu et blanche et la jeune femme le salue et lui envoi un baiser. Il aurait été heureux de le recevoir ce baiser… Mais le guerrier y prêta a peine attention, il salue se tenant droit et fier avec sa lance. Il est magnifique dans son armure dorée… Il doit être très riche et très puissant. Ils reprirent leur marche. Zak se demanda si le guerrier était bon et gentil. Il repensa au baiser. Il était surpris que l’on ne puisse pas percevoir un geste comme celui ci. Les guerriers géants ne pensaient sans doute qu’à la guerre. Il en avait entendu parler de la guerre, c’était une chose terrible. En voyant celui ci, il comprenait pourquoi et combien il fallait être fort pour survivre à ça. La femme en rouge avance tranquillement, Zak doute qu’elle se soit rendu compte qu’elle était suivie. Il voit des créatures tout autour d’eux, il a peur. Il réduit la distance a tel point qu’il est à un mètre de la guerrière. Celle ci se retourne :
- « Et bien jeune garçon, te voilà perdu ? ? ? Pourquoi marches tu dans mes pas ? ? »
Zak reste un instant sans rien pouvoir articuler puis il bredouille une vague réponse :
- « Je.. non non… J’apporte un message ! ! !
- Pour moi ? ? ? Ohh j’espère que ce n’est pas une mauvaise nouvelle, le chef est assez soucieux comme ca.
- Je… non… Le message n’est pas pour vous.
- Ohh excuses moi jeune garçon, je reçois souvent des messages et même si je me refuse a l’avouer, j’adore ca. Où vas tu ??? Et quel est ton nom ???
- Je… m’appelle Zak.
- Très bien moi c’est Kyrkea, bon alors où vas tu ? ?
- Je… porter un message.
- Ahh oui… Bon vu où nous sommes, je suppose que tu vas à Druim Ligen. Viens avec moi je t’emmène, nous allons courir un peu.
Zak ne dit, rien, il se contente de courir derrière le jeune femme. Il se demande s'il pourra tenir assez longtemps avant qu’elle ne s’arrête. Soudain elle marque une pause. Elle doit le faire a cause de moi pense t’il. Mais elle ne lui dit rien, prononce quelques mots et repart de plus belle. Les pas de Zak sont légers, ses jambes bougent à une vitesse folle, les larmes montent à ses yeux. De la magie ! ! ! Il est stupéfait de voir défiler le paysage. Il se demande si il survivra à une chute, mais enivré par la vitesse, il se laisse porter. Ils arrivent enfin devant une forteresse massive.
- « Voilà Zak, tu es arrivé, je vais te laisser porter ton message car je suis attendue par des anges pour aller défendre les frontières. Bonne route et sois prudent. »
Il la regarde s’éloigner à vive allure, oui, c’était bien un ange, il le sait maintenant.
La voix grave du guerrier le fait sortir alors, de sa rêverie.
- Ne restes pas planté là toi ! Tu ne vois pas que tu gènes !
Bredouillant des excuses, il recule et heurte une femme qui laisse échapper toute une série de fioles sur le sol.
-Hé toi !! Tu peux pas faire attention !!!!
Tout autour de lui n'est que mouvement incessant et Zak est pris de panique soudainement devant ce brassage humain.
Les cris deviennent poignards à ses oreilles, son corps tout entier est secoué à chaque frôlement et le martèlement de son coeur envahit tout son espace intérieur
Plus de repères... Sa tête tourne.... sa gorge s'assèche...
Les jambes tremblantes, le souffle court, il trouve refuge sous un grand escalier de bois.
La pierre dure est froide contre son dos, rocher dans le tourbillon qui menace de l'emporter.
Lentement, il se laisse glisser sur ce sol qui cherche à s'ouvrir sous ses pieds pour l'engloutir tout entier..
- Respire! Respire, pense-t-il
"La respiration est maîtresse de Salut! Respires et tu vivras!" disait le maître à son élève ce jour là .
Ce jour là , où caché et invisible dans le Bosquet des Druides, il avait assisté à la leçon sans que personne ne le sache.
- Respire.....
Zak avait intuitivement compris combien cette simple phrase recelait de pouvoir et, alors que le jeune novice rechignait sans comprendre, il avait lui, en secret, effectué les exercices donnés.
Ce jour là , où dans le Bosquet, l'instructeur n'avait pas soupçonné qu'il n'avait pas eu un, mais deux élèves dont l'un était beaucoup plus doué que l'autre.
- Respires....
Alors il respire comme il a appris à le faire.
Fermant les yeux, il n'écoute que son souffle et se laisse immerger....
Il fait le vide et ne se concentre plus que sur les battements de son coeur..
- Vis le souffle... Deviens le battement... disait le maître.
et comme chaque fois, depuis ce jour là , la magie opère !
La lumière....
La lumière douce et chaude naît exactement au centre de lui même, emplissant tout son être, rayonnant de plus en plus loin, jusqu'aux limites de son corps... Jusqu'à son âme... généreuse, stable, elle rétablit le monde.
Sa respiration se fait plus lente, son coeur s'apaise et caché, presqu'invisible de nouveau comme bien des fois, il ouvre les yeux et voit.
L'Effervescence... Les énergies présentes en ce lieu... presque palpables...
Des voix, des rires..
Chacun s'active.
Des guerriers vérifiant leurs armures, d'autres réparant les brèches occasionnées par leur dernier combat ...
Des Druides qui soignent ici et là les blessures encore fraîches...
Des magiciens discutant de puissance et de sorts... et encore là , les Bardes, les bardes si rapides, si fluides comme portés par le vent et qui accordent leurs instruments...
et toujours majestueuses de silence, dans leur parfaite immobilité meurtrière et glacée, les Ombres...
Zak regarde et voit...
Il voit et entend les ordres donnés, les groupes qui se forment....
la tension incarnée.... cette fiévreuse anticipation qu'il lit leurs visages, de vaincre pour certains et de tuer pour d'autres.
Tout n'est que mouvement, bruits et bousculades désordonnées et pourtant...
Est-ce parce qu'il est cet observateur extérieur ? Il sent....
Il sent alors combien tous ces mouvements n'en forment qu'Un.
Une unique harmonie, une unique énergie, colossale et puissante dirigée vers une seule et même clarté.
Il voit les sourires et les regards sereins, la puissante camaraderie, les accolades et les rires de joie...
Tous ensembles sur le même chemin, une seule et même force, un seul et même coeur, un même destin.
Et là , Zak émerveillé, se laisse aller à espérer ... Un jour oui, lui aussi fera parti de ce Tout, cette Energie, cette Vie....
Pourtant le jour a finit sa course et c'est sous l’œil froid de la lune qu'il les voit partir un à un, parfois par groupe, parfois seuls.... et son coeur les accompagne d'un muet encouragement, espérant qu'il reviendront tous vivants.
Mais bientôt, le silence résonne dans cette place désormais presque vide, le laissant seul.
Epuisé alors, toute chaleur, toute énergie ayant été comme absorbée hors de son corps, le mur froid et dur n'étant plus que pierre dans son dos, il flotte un instant dans cette irréalité qui est désormais sa réalité.
Il est dehors.
Il est sortit.
Quelques mots qui résonnent en lui non comme un espoir lumineux, mais soudainement comme un vide... une perte infinie.
Car déja se profile l'ombre menaçante qu'elle engendre, une seule et unique question : et maintenant ?
A-t-il le droit de pleurer sur ce qu'il voulait quitter ?
A-t-il le droit d'avoir peur face à ce qu'il a choisit de chercher ?
Il ne sait plus, il n'y a plus que le froid, la faim, qu'il ne connaît que trop bien, aussi, contre toute attente et malgré le lieu, il se laisse glisser dans le bienheureux oubli du sommeil et de la nuit.
L'enfant pleure dans son sommeil.
Il semble si misérable, petit animal enroulé sur lui même en quête de la moindre chaleur.
L'enfant perdu pleure dans son sommeil.
Il semble si fragile, si vulnérable alors.....
S'il y avait quelqu'un d'autre pour voir cet enfant, cette personne ne pourrait retenir un élan de compassion.
Si quelqu'un d'autre pouvait le voir, il ne pourrait retenir ses bras de l'entourer, ses mots de le rassurer.
Si quelqu'un d'autre pouvait.... Il ne pourrait empêcher son coeur de se lier pour le protéger à jamais...
Peut-être alors l’histoire serait autre...
Si quelqu'un d'autre pouvait le voir....
Mais il n'y a que moi, pense le Gardien au moment de couper le lien qui lui a permis de suivre et observer Zak depuis longtemps déjà .
Il n'y a que moi qui n'ai ni amour, ni compassion à lui offrir.