La quête de la graine (épisode 1)

De nobles conteurs, à l'esprit empli de légendes et de hauts-faits, parcourent souvent notre belle place ! Venez les écouter !

La quête de la graine (épisode 1)

Messagepar lara » Lun 26 Avr 2004, 15:05

[Toute similitude...patati patata.... fortuite ;)]


Lorsqu’elle ouvrit les yeux, le soleil pointait à peine, ce n’était pas ce qui l’avait réveillée. Non, plutôt un sentiment d’absence. Tournant la tête sur l’oreiller, force lui fût de constater que la place à côté d’elle était vide. La couche gardait l’empreinte de son corps, mais les draps froissés n’en conservaient nulle chaleur. Elle était habituée à ses départs soudains, au cœur de la nuit. Un besoin impérieux le poussait à se fondre dans l’obscurité, à rejoindre au plus profond de la forêt les arbres ancestraux, à puiser en leur puissance la force qui le guidait. Il lui avait expliqué le rapport étroit qui les liait, le devoir qu’il se sentait envers eux. Elle acceptait d’autant plus ses escapades qu’il en revenait apaisé, emprunt d’une plénitude qui rejaillissait sur leur amour, les plongeant tous deux dans une torpeur doucereuse.
Elle décida de se lever, incapable de dormir à présent. Sur la table de la cuisine, une fleur aux teintes éclatantes attire son regard. Sous la fleur, un mot griffonné à la hâte.

Mon âme,
Notre Mère à Tous m’appelle. L’Esprit du Chêne m’a parlé cette nuit. Des troubles agitent le Peuple des Forêts, il requiert mon aide. Tu sais que je ne peux la lui refuser.
Veille sur toi mon cœur, tu ne quitteras mes pensées.

Elle reste un moment interloquée. Lors de ses précédentes disparitions, jamais il n’avait pris la peine de lui laisser un message. Cela faisait partie de leur accord tacite, chacun disposant de sa liberté, de son libre arbitre, indépendance pourtant relativisée par le besoin qu’ils avaient l’un de l’autre. La nature sibylline de ce mot lui fait prendre d’autant plus conscience de la gravité de la situation. Soudain elle frissonne.

Au plus profond de la nuit, une clameur résonne. Dans le gémissement des branches agitées par le vent, il entend un appel.
« Viens à nous, nous avons besoin de ton conseil, Homme. Les nôtres sont inquiets, s’interrogent sur notre devenir. »
Ouvrant les yeux dans le noir, il réalise qu’il doit partir. Un dernier regard vers la silhouette endormie, quelques affaires rassemblées à la va vite, et le voilà sur la route. Il avance d’une démarche sûre, rapide, impatient de parvenir à destination. Tandis que ses pas le mènent, ses pensées vagabondent. Un flot de question l’assaille. Quelle est cette crainte qui habite le Peuple des Forêts ? En quoi pourra t-il lui être utile?
Quand enfin il arrive dans la clairière, le soleil darde ses premiers rayons. Ses faisceaux de lumières nimbent les branches d’une aura d’or et d’argent. Les oiseaux, assemblés sur un sapin, emplissent de leurs trilles l’air frais du petit matin. Les cervidés, craintifs et effarouchés, se tiennent en retrait. Lièvres, blaireaux et sangliers s’agitent en tous sens, nerveux, agressifs. Quelques insectes, envoyés en délégation, patientent sur une souche. Chaque espèce du Peuple est représentée, L’heure est donc gave, que chacun ait tenu à participer à cette réunion. La crainte enserre son cœur de sa poigne glaciale. Au centre de la clairière, imposant par sa stature et sa majesté, trône l’Esprit du Chêne.
De sa voix caverneuse, répercutée par chacune de ses branches, il s’adresse ainsi à Arliam :
« Avance, Homme, et entend notre requête. »
Humblement il fait quelques pas et, tête baissée, s’apprête à écouter.
L’Esprit du Chêne poursuit :
« La fin est proche pour nous, quand reviendra la belle saison, nous ne serons plus. La Forêt ne résonnera plus du chant des oiseaux, du bruissement de l’herbe foulée sous les pattes, du chuchotement du vent dans les ramures, l’air sera vidé de toute fragrance, de tout parfum, disparus les vols chatoyants des papillons et des insectes. Toute vie sera éteinte. »
Ainsi en ira-t-il de notre sort. Ainsi en ira-t-il du vôtre. Tu n’es pas sans savoir que nos destins sont liés, qu’Hommes et Peuple des Forêts coexistaient jusqu’alors en symbiose. Hors, cette unité est rompue désormais. Le symbole de cette harmonie a disparu. Cette nuit, un bien inestimable nous a été dérobé. Cette nuit, c’est la Graine de Vie que l’on nous a volé. »
A ces mots, il redresse la tête, abasourdi. Qui a osé commettre ce crime ? Quel inconscient a perpétré cette folie ?
« Nous connaissons la pureté de ton cœur, ta bravoure et ta vaillance. Nous ne pouvons quitter ces bois, au-delà, notre magie est impuissante. Voilà pourquoi nous faisons appel à toi en ces instants tragiques. Accepteras-tu de nous aider ? Retrouveras-tu pour nous la Graine ?»
Prenant son souffle, il répond :
«Je suis honoré de la confiance que vous m’accordez, j’emploierai jusqu’à mes dernières forces pour mener à bien cette mission. Pouvez-vous me fournir quelque indice quant à la nature du voleur, sur le chemin qu’il a emprunté pour s’enfuir ? »
Dans un soupir, l’Esprit du Chêne avoue :
« Nous ne savons pas grand-chose, hélas. Une ombre de la nuit s’est faufilée jusqu’ici, à commis son méfait puis, aussi sournoisement qu’elle est arrivée s’en est allée. Toutefois, nous pensons voir derrière ce crime, la main de notre ennemi de toujours, l’Esprit du Néant. Depuis l’aube des temps, il cherche à détruire toute vie de nos contrées, à éradiquer toute forme de beauté et d’harmonie. Son funeste dessein vise à étendre son royaume, jusqu’alors limité aux Provinces du Nord, jusqu’à nos Territoires. En volant la Graine, il nous rend impuissants à lutter contre lui. »
Des visions d’apocalypse lui traversent l’esprit, images de désolation, de dévastation, représentations du chaos, du néant. Sa gorge se noue, son ventre se contracte, des larmes roulent sur ses joues. En un éclair, l’Esprit du Chêne lui dévoile leur destinée s’il échoue dans sa quête.
Il prend alors pleine conscience de l’ampleur de sa tâche et de sa portée. Ce qu’il adviendra de la faune, de la flore, prévaudra pour les Hommes.
Redressant les épaules, comme pour mieux y arrimer ce fardeau, il réfléchit aux périls qu’il devra affronter, aux écueils et pièges que ne manquera pas de dresser devant lui l’Esprit du Néant. Soit, il n’a guère le choix, il sera toujours temps d’y songer quand il y sera confronté.
Perspicace, l’Esprit du Chêne reprend la parole :
« Pour t’aider dans ton entreprise, nous allons te confier trois graines. Ce sont les trois dernières en notre possession. Grâce à la première, tu parviendra à l’orée de la Forêt sans effort, la seconde te permettra de t’attacher toute créature animale qui puisse t’aider, la troisième enfin, localisera pour toi la Graine de Vie lorsque tu en seras à moins de dix lieues. »
Il saisit délicatement la bourse tendue, un lien prévu à cet effet lui permet de la passer à son cou.
« Grand merci pour ses dons, ils me seront fort utile, je le présage. Je me mettrais en route dès à présent, chaque minute nous est précieuse. »
« Que Notre Mère à Tous veille sur toi et t’apporte son concours, Homme. »

Délicatement il ouvre la bourse, en extirpe la première graine. Le temps d’un clignement d’œil et le voilà transporté. D’abord surpris, il reprend vite ses esprits et examine son nouvel environnement. Derrière s’étend la Forêt, en face, une plaine étale son immensité. Avec résignation il s’engage dans l’herbe haute. La marche est pénible, harassante sous l’ardent éclat du soleil. Nulle trace du moindre animal, du moindre cours d’eau. Il s’arrête au milieu du jour, se restaure en puisant dans sa besace, qu’il a garnie de quelques victuailles à son départ de chez lui, la veille. Puis il reprend sa progression, insignifiante silhouette dans cette démesure. Quand la nuit pointe, de son épée il coupe une gerbe pour en faire un matelas, s’allonge lourdement, recru de fatigue et s’endort d’un sommeil lourd et sans rêves.
Trois jours, trois nuits durant, il chemine. Au matin du quatrième, un détail l’interpelle. Un infime changement dans la morne étendue lui laisse présager une modification du paysage. En effet, au loin on distingue l’ébauche d’une éminence. Le moral ragaillardi par cette vision, il presse le pas, impatient d’en découvrir davantage. Il lui faut plusieurs heures pour parvenir au pied de ce qui s’avère être une tour. Intrigué par la présence de cette construction en ces lieux désolés, il s’en approche avec méfiance. Aucun bruit ne trouble le silence, il ne descelle aucune présence. Prudemment il pousse la porte, celle-ci ne résistant pas, il pénètre plus avant et se retrouve dans une pièce aux murs de pierre, un escalier court en spirale le long de la parois, menant à l’étage. La salle dans laquelle il se trouve est meublée chichement, une table, une chaise de bois, quelques ustensiles de cuisine, une cheminée, en composent l’essentiel. Il emprunte alors l’escalier, dressant l’oreille, attentif au moindre signe. Arrivé sur le pallier, la surprise le saisit. Un ronflement s’échappe par l’entrebâillement d’une porte. Il s’avance sur la pointe des pieds, glisse un œil prudent et contemple avec circonspection l’étrange tableau qui s’offre à lui. Un petit bonhomme au ventre rebondi dort paisiblement, emplissant la pièce de ses vrombissements. Hésitant sur l’attitude à adopter, il choisit finalement de réveiller l’inconnu.
D’une bourrade il le secoue, son geste ayant pour effet de faire dresser sur sa couche l’ex dormeur. Gesticulant et vitupérant, celui-ci lance une flopée d’injures, maudissant l’irresponsable qui ose ainsi le tirer de sa méditation. Tout en protestant, il observe attentivement Arliam.
« Hé bien, l’ami ! Vos manières sont bien brutales ! N’avez-vous donc aucun savoir-vivre, là d’où vous venez ? »
« Excusez-moi, compère, de vous avoir ainsi réveillé. J’avoue ne savoir à quoi je devais m’attendre de votre part, aussi vous ai-je un peu rudoyé. »
« Qu’à cela ne tienne, je vous pardonne. Quelle est donc la raison de votre présence ici ? Je ne me souviens pas avoir vu âme qui vive depuis des lustres ! »
« C’est le devoir qui me guide, peut être pourrez-vous m’accorder votre aide ? Je dois me rendre dans les Provinces du Nord, pouvez-vous m’indiquer le chemin le plus sûr et le plus rapide pour y parvenir ? »
Subitement le visage du petit homme s’assombrit, la terreur emplit son regard.
« Les Provinces, du Nord, dîtes-vous ? Songez-vous réellement à vous rendre là-bas ? Je crois que vous ne savez pas les dangers qui vous attendent, il faut être suicidaire pour envisager telle entreprise ! L’Esprit du Néant vous éliminera à peine aurez-vous posé le pied sur son domaine ! »
« Je sais cela, mais je n’ai guère le choix. Pouvez-vous m’aider, oui ou non ? Je n’ai pas de temps à perdre, il faut que je reparte. »
« Je puis juste vous indiquer la direction à suivre et vous fournir quelques vivres, ne m’en demandez pas plus. »
« Très bien, allons y alors. »
Ils descendent tous deux l’escalier, regagnent la pièce du bas. Le bonhomme prend sur une étagère une miche de pain, un fromage, quelques fruits, qu’il tend à Arliam. Celui-ci s’en saisit et tout en les rangeant dans sa besace, se dirige vers la porte.
« Merci, l’ami. Et maintenant, dîtes-moi par où je dois aller. »
« Continuez une pleine journée de marche vers l’est, puis obliquez vers le nord quand vous verrez au loin les montagnes, ainsi vous éviterez les marécages. Vous atteindrez un lac, de l’autre côté de ce lac s’étendent les Territoires du Nord. Bonne chance à vous, vous en aurez besoin. »
Sans répondre, le regard tourné vers l’horizon, Arliam reprend sa marche. La plaine s’étire toujours à l’infini, maussade et uniforme. Les heures s’écoulent, interminables. Quand le soleil se couche, il décide de faire halte, avale quelques provisions. Le sommeil le gagne sans tarder, chassant les sombres pensées qui le hantent.
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Emmaa, Empathe 44 chez Les Anges de l'Ombre
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